Parce que Monsieur est trop paresseux...

Le blond en question, qui n'était autre que Matsuyama-kun, était alors aux prises avec un attaché-caisse noir. Un mug de café dans la main gauche, son portable dans la droite, la mallette coincée sous l'bras ... le journaliste semblait débordé. Il tentait (depuis cinq minutes) d'ouvrir maladroitement le clapet avec les dents pour récupérer un fichier. Sans succès.
"Fichue mallette" grogna Eikichi en jouant les équilibristes avec sa tasse. Le jeune homme demeura un instant immobile puis opta pour un plan B. Il glissa son téléphone dans sa bouche et coinça l'attaché caisse entre ses jambes. Puis sa main libre détacha vivement le clapet qui libéra le tout dans un sympathique déclic. Le journaliste poussa un "Aaaaah" de soulagement à demi étouffé par le portable. ENFIN. Il fourra sa main dans le sac pour en sortir le dossier tant attendu : l'interview d'une actrice débutante, Minako O. Watanabe, qui figurerait dans le prochain navet cinématographique de l'année. Les goûts d'Eikichi mis à part, cet article représentait des heures de travail et paraîtrait aux informations du lendemain : c'était donc la prunelle de ses yeux. En admettant que Matsuyama-kun changea souvent d'yeux. Mais vous l'connaissez ... ou plutôt, par expérience ; vous savez que les situations in-extremis plaçant de tels enjeux ne PEUVENT PAS finir dans la joie et la bonne humeur. Impossible, il manquait un petit quelque chose. Un élément perturbateur.

Cet élément perturbateur ne tarda pas et Eikichi se heurta à un véritable problème. Au sens propre comme au sens figuré : une jeune fille s'approcha et le bouscula. Alors, le fil sur lequel courait allégrement Eiki se rompit, son château de carte s'effondra ; oui, ce superbe bateau sombra avec tout l'équipage, répandant des flots de café sur les barques environnantes. Le journaliste réussi à se maintenir debout suite à quelques gymnastiques. Si l'attaché caisse était encore intact et le mug fièrement bloqué entre ses doigts crispés, le dossier pour lequel il luttait, lui, tirait mauvaise mine. Pouah ... L'interview pataugeait dans une marre de café ... Irrécupérable. Tout était à recommencer. Et ne parlons pas du téléphone ... Matsuyama-kun n'avait pu le retenir entre ses dents. L'appareil gisait donc sur le sol du magasin. En puzzle. "Bon sang ..." murmura-t-il en contemplant les dégâts. Une poignée de secondes s'écoula sans que le garçon ne réagisse. Il se contentait d'observer son fichier. Silencieusement. Puis Eik releva lentement la tête en direction de son agresseuse, pour lui lancer un regard assassin dont il avait le secret. Un regard rancunier qui disait clairement NON à ses plates excuses. Elle venait de ruiner son boulot ... sa journée ... De lui crever les yeux. Dans ce cas là, n'importe quel saint rêverait d'envoyer un mot aux Kira avec en gros titre le nom de la jeune fille, de l'élément perturbateur qui venait de détruire sa tranquillité !

"VOUS ... " déclara Matsuyama-kun sur un ton presque menaçant. Ses yeux lançaient des éclairs haineux. Il pointa sa tasse vide vers la jeune femme et reprit : "Kssshhhhh ! Vous venez de massacrer toute une semaine de labeur et vingt-cinq centilitres de pur arabica !"
Le journaliste agita son mug devant son nez pour être sûr de bien se faire comprendre. Il baissa les yeux, ajoutant un nouveau point à la liste du sinistre : "Et une veste à 10000￥."
Eik déposa sa mallette sur le sol et sortit un mouchoir pour essuyer ses vêtements en grommelant. Il gardait un oeil en coin sur l'inconnue juste au cas où elle déciderait de partir sans s'excuser (ce qui signifiait, pour Matsuyama-kun, au moins lui payer un nouveau café).
C'est à ce moment-là que le jeune homme comprit : quelque chose clochait. Ce visage ... il lui rappelait quelqu'un ... Mais qui ? Il releva le menton, pétrifié, fixant la japonaise de ses beaux yeux bleus qui clignaient d'étonnement. Mais OUI ! Bon sang ... quel imbécile ... abruti de Matsuyama ... pourquoi ne l'avait-il pas reconnue plus tôt ? C'était pourtant évident ! Le reporter abandonna l'essorage de ses vêtements pour s'écrier d'un coup : "Mais ... vous êtes Nahe Smith, la chanteuse des Broken Elmerald Cult ? J'me trompe ?" Non, il ne se trompait pas pour une fois. Eikichi se mordit la lèvre. Il venait de se ridiculiser et de maudire une étoile montante de la musique. Quel piètre journaliste il faisait ... quelle honte ! Le garçon tenta de se rattraper en tendant une poignée d'main, souriant : "Sawada Ikki, ravi d'vous rencontrer. Ou du moins, je l'aimerai" puisqu'en se disant heureux, Eik aurait l'air d'un sacré hypocrite.

[HJ: Désolé du retard, mon super Eikichi hyper patient! J'espères que mon message est à la hauteur de tes attentes ^_^]

La bouche de Nahe s'ouvrit instinctivement en voyant l'horrible dégât que sa simple, petite, mini et non voulue (précisons-le) bousculade avait crée! Pourquoi il avait absolument fallu qu’elle bouscule la personne qui avait le plus de chose dans les mains? Elle n’aurait pas pu bousculer le petit garçon visiblement métisse aux cheveux blonds qui courait partout là-bas à la place? Ça aurait été bien moins dramatique! Tout était beaucoup trop dramatique dans sa vie. C’était comme s’il fallait toujours qu’elle tombe sur le pire dans ses gaffes. Elle devait avouer qu’elle trouvait cela pas mal moyen… Mais bon, c’était un de ses défauts, il fallait qu’elle l’accepte même si ce n’était pas particulièrement agréable, c’était quand toujours mieux qu’être stupide! Elle ne pouvait pas avoir que des qualités, il fallait absolument qu’elle se le rentre plus profondément dans le crâne, surtout quand il lui arrivait des choses du genre. Allez, elle devait se compter chanceuse, elle était célèbre parce qu’elle avait une voix sublime, elle était très intelligente, et assez jolie! Bien sûr, elle était assez soupe au lait par moment, gaffeuse comme pas deux, et parfois un peu naïve, mais au finale ça donnait un agréable mélange, n’est-ce pas? L’homme (elle savait que c’était un homme à cause de sa voix) qu’elle avait bousculée semblait plutôt pensée que c’était un désastreux mélange vu ses cris : "VOUS ... Kssshhhhh ! Vous venez de massacrer toute une semaine de labeur et vingt-cinq centilitres de pur arabica !" Il n’avait pas tort parce que pour lui ça n’avait pas été avantageux!

Maiya se mordit la lèvre inférieure, elle avouait qu’elle se sentait mal pour l’homme (en plus elle sentait un regard assassin diriger contre elle). Surtout en se repassant la partie où il disait qu’elle avait gâchée une semaine de travaille (parce que pour le pur arcabia, ce n’était que du simple café! Et avec le budget qu’elle avait, elle pouvait lui en acheté des litres si ça lui chantait). Elle savait à quel point travailler pour rien était frustrant, en fait, quand cela arrivait dans sa vie quotidienne, elle boudait pendant des heures. Cela décourageait toujours son groupe en particulier Daisy qui l’a trouvait puérile (ce qui n’était pas faux du tout soi dit en passant). M’enfin, tout ça pour dire qu’elle comprenait tout à fait la rage du blond à son égard. Elle aussi aurait été furieuse s’il avait bousillé une nouvelle composions. Même plus que furieuse, elle lui aurait fait une de ces scènes, il n’y aurait même pas crû, le pauvre. Mais voilà, c’était elle le problème cette fois.

Elle se décida enfin à lever les yeux vers sa victime se rendant au même moment compte qu’elle avait du café un peu partout, galère… L’homme en question était un blond, pas teint si elle se fiait à son instinct (et sa logique) donc métisse. Tout comme elle, il avait de majestueux yeux d’un remarquable bleu. C’était un homme grand et svelte qui dégageait un charme non négligeable. Il devait avoir dans la vingtaine, certainement pas plus! Pour tout dire, il était tout à fait le genre de la jeune chanteuse ce qui était assez rare ses temps-ci O.o. Les japonais étaient pas trop ce qu’elle recherchait, va savoir pourquoi. Bien sûr, il y avait Edan qui était d’un style totalement différent, qui lui plaisait physiquement, mais psychologiquement c’était vraiment perdue, ce mec était vraiment trop étrange ^^’, n’empêche qu’elle l’adorait. Il y avait aussi Dylan, mais lui c’était une histoire pas mal trop compliqué pour s’étendre sur le sujet! In anyway, ce n’était pas un sujet qui la préoccupait plus que ça alors il fallait qu’elle se concentre sur sa gaffe et l’objet de cette dite gaffe!

« Veuillez croire que je suis vraiment confuse de cet événement et que je vais réparer les pots cassés. Du moins, tout ce qui peut être réparé! »

Elle lui sourit sincèrement, le regardant dans les yeux puisque c’était la moindre des choses à faire! Elle allait continuée de parler, mais elle fut devancée par Eikichi qui venait apparemment de se rendre compte de qui elle était. Son attitude changea très rapidement, c’était agréable, mais elle ne croyait pas le mériter, du moins pas immédiatement! Mais que-ce qu’elle pouvait y faire? Elle était célèbre, alors souvent ce genre de situation arrivait.

« Non, vous ne vous trompez pas, c’est bien moi. »

Nahe Smith, théoriquement parlant ce n’était pas vraiment elle, mais qui s’en souciait? Elle prit chaleureusement la main de Sawada qui pour la première fois depuis qu’il s’était rencontré lui souriait aussi.

« Enchantée, Sawada-kun! »

Tout à coup, ce fut au tour de Ren d’avoir un éclair de génie. Sawada Ikki, cela lui rappelait quelqu’un. Quelqu’un qui lui aussi était assez populaire ces temps-ci. Mais oui, ça y était. Le talentueux journaliste! Alors ce qu’elle avait ruinée c’était un article? Elle savait comment se racheter alors…

« Donc, pour ce qui est de cette malheureuse incident, voilà ce que je vous propose. Je vous paye un café et je vous accorde l’entrevue exclusive de mon groupe. Ensuite, nous irons remplacer nos vêtements à mes frais. Est-ce que cela m’accorderait votre pardon? »

Matsuyama-kun écarquilla les yeux, agréablement surpris. La chanteuse savait donc qu'il était journaliste ... incroyable ! Il ne pensait pas être aussi connu ! Et d'une star en plus ... Quel honneur pour lui, humble reporter. Le jeune homme en était tout retourné. Oh bien sûr Nahe se montrait très discrète quant à l'opinion qu'elle portait sur son travail ; elle avait à peine sous-entendu connaître son (faux) nom. Mais c'était sans importance : la proposition de la demoiselle démontrait qu'elle devinait son job, et donc qu'elle le connaissait, ce qui était déjà un immeeeeeeense compliment pour l'insignifiant journaliste qu'il représentait.
"Oh ... Alors j'ai vraiment une tête de journaliste ? A moins que vous n'incarniez le très faible pourcentage de la population japonaise lisant le nom des auteurs en fin d'article ? demanda Eikichi d'un ton blagueur. Et dieu sait le peu d'effort que fournissait la chaîne télévisée pour mettre en valeur le nom de ses employés ... Mais il était présent. Alors que reprocher ?
En tout cas, vous savez comment vous y prendre pour vous rach'ter ! Je pense que dans ces conditions, je s'rai prêt à vous pardonner. J'me sentirai peut-être même redevable ... reprit Eiki. Il appréciait les efforts de Nahe : cette fille était décidément très sympathique. Combien de star auraient déjà levé l'camp, un agent sous l'bras, estimant que la présence de leur personne suffirait à expier leur impardonnable faute ? Le comportement de Nahe était admirable. Matsu-kun le lui fit comprendre en esquissant un sourire chaleureux.

Le plus intéressant dans la proposition de Nahe était sans doute l'entrevue avec les Broken Elmerald Cult. Une occasion en or : ce sujet était incontestablement meilleur que l'interview d'une starlette (inconnue et sans talent qui plus est). Restait un problème non négligeable : changer le thème de la prochaine émission. C'était impossible. Eikichi ne pourrait donc pas présenter son article en guise de remplacement (ce qui est bien dommage, avouons-le). Mais il réparerait tout d'même son erreur - et c'était déjà pas mal. Dans le pire des cas le reporter n'aurait qu'à refaire l'interview de Minako avec les réponses dont il se souvenait vaguement. Ah oui, mais tiens ... ce n'était pas le seul problème ! Pour ses interviews, Matsu-kun disposait habituellement d'une petite série de questions préparées à l'avance. Il n'avait pas anticipé sa rencontre avec les B.E.C ... Comment s'y prendrait-il pour les interroger ? Le japonais mordilla le bout d'sa langue, signe d'une intense réflexion. Il était tiraillé entre l'envie de se jeter dans le feu d'l'action - suivre la chanteuse jusqu'à son lieu de répétition et improviser sur place - ou ajourner l'entrevue, ce qui lui donnerait du temps supplémentaire pour préparer son boulot. Ces deux perspectives étaient tentantes. Bien qu'Eikichi garde beaucoup d'estime pour Nahe, il n'était pas sûr d'obtenir un autre jour. Les répétitions des B.E.C bouffaient les 3/4 de leur emploi du temps. Disposerait-il d'un nouveau créneau ? Et puis, ils devaient avoir un agent qui, vue sa réputation de journaliste, refuserait l'entrevue si on lui demandait son avis.

Le garçon jeta son mouchoir dans une poubelle/cendrier. La situation était simple, mais il lui fallait compliquer les choses en cherchant anguille sous roche ... c'était plus fort que lui. Allons bon ! Laisser filer une occasion pareille serait stupide. Eik avait de l'expérience ; des interviews, il en avait fait suffisamment pour romancer. Le reste viendrait plus tard.
"D'accord" déclara-t-il. L'approbation répondait davantage à ses propres réflexions qu'à la proposition de Nahe Smith. Il allait enchaîner sur un "On y va ?" lorsqu'un éclair de génie lui rappela le lieu dans lequel ils se trouvaient : une boutique de musique. Si Matsuyama-kun était venu rendre des CDs en dis-fonctionnement (et avait terminé sa course) la chanteuse entrait à peine dans le magasin (du moins c'est ce qu'il déduisait de la faible distance qui les séparait d'la porte). Et comme elle ne l'avait évidemment pas percuté pour le plaisir de parler, parce qu'elle le trouvait mignon et adorable (bien que l'idée soit séduisante) ... Nahe venait également pour des courses. Mais leur collision lui avait sorti cette idée d'la tête.
"Excusez-moi, vous veniez ach'ter quelque chose ? Vous voulez que j'vous laisse seule pour vos courses ? demanda le japonais en glissant ses mains dans ses poches. S'imposer ne lui posait aucune difficulté, mais en l'occurrence, il ne voulait pas gêner la jeune femme dans ses projets. Il ne désirait pas non plus que Nahe se sente coupable de l'abandonner (sait-on jamais) et ajouta : Vous pouvez y'aller - moi, j'ai un puzzle à compléter."

Matsuyama-kun faisait référence aux morceaux de portable toujours éparpillés sur le sol. L'appareil était habitué à ce genre de sensations fortes ... il s'en remettrait. Après l'eau, le trop froid, le trop chaud et les chutes de plusieurs étages ; un rebond sur le carrelage de la boutique, qu'était-ce ? Pas grand-chose hein ? Eikichi siffla une espèce de "C'est parti !" (à moins que ce n'soit saloprie). Il chiffonna puis roula en boule le dossier imprégné de café qui rejoignit presque aussitôt son pote le mouchoir dans la poubelle. Puis il se jeta à l'eau.
"Bon sang, où est passée cette put$ù@#! d'carte ? Elle a dû glisser quelque part par ici ..." marmonna le journaliste en priant les clients qui passaient (sans vraiment le remarquer) de bien vouloir soulever leurs pieds. Trouver les parties manquantes de la coque et la batterie du téléphone s'était révélé tâche facile. Mais où étaient passées la carte et les touches ? Eik se rongea la lèvre. Cette carte stockait de nombreux numéros ... Des numéros auxquels il tenait beaucoup. Ceux de ses collègues, et aussi de son ex - "Ca n'arrive qu'à moi, hein ?"
Il fallut bien vingts minutes pour que le journaliste retrouve l'intégralité de son portable. Les touches furent découvertes par une aimable grand-mère qui trouva l'excellente idée de faire rouler son caddy dessus (démolissant toute une rangée de caractères), tandis que la carte, coincée entre deux carreaux de carrelage, releva un peu l'honneur de Matsu-kun. Une fois reconstitué le téléphone sembla marcher conv'nablement. Le reporter se hissa de nouveau sur pied puis parcourut la boutique des yeux, vérifiant si Nahe avait terminé ses courses.